Faire face à la pression foncière
Alors que l’urbanisation s’accentue sur le plateau de Saclay, Cristiana et Emmanuel Vandame préparent la transmission de leurs 228 ha bio, de leur meunerie et de leur boulangerie.
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Pour accéder aux parcelles situées à quelques kilomètres, Cristiana et Emmanuel Vandame, installés à Villiers-le-Bâcle, dans l'Essonne, doivent traverser le chantier d’élargissement de la route départementale 36 (RD 36). Mais cette contrainte paraît presque minime par rapport aux lourdes conséquences de la ligne 18 du métro en construction. « L’accès à nos parcelles et aux fermes avec lesquelles nous travaillons, se complique énormément », regrette Cristiana, qui dénonce également « un terrible impact sur les continuités et fonctionnalités écologiques ».
Malgré leur combat mené depuis 2011, ils n’ont pas été entendus par les services de l’État. Unique en France, la zone de protection naturelle, agricole et forestière (ZPnaf), obtenue par les agriculteurs, élus, chercheurs et habitants, a pourtant été inscrite dans la loi sur le Grand Paris en 2010. Elle sanctuarise 2 469 ha de surfaces agricoles sur le plateau de Saclay. « Mais la ligne 18 du métro, déclarée « opération d’intérêt national », était déjà en projet en 2010 et son tracé avait été exclu de la ZPnaf », déplore Emmanuel. Entre l’élargissement de la route et le métro, 14 ha ont déjà été perdus sur la sole qui compte aujourd’hui 228 ha.
Des pommes de terre bio
Au début de leur installation, à la suite du père d’Emmanuel, le couple était loin d’imaginer une telle évolution. Quelques années après la reprise de la ferme en 1997, deux habitantes de Palaiseau cherchent un agriculteur pour créer une Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) et fournir des pommes de terre bio. Le couple répond présent et l’Amap Les Jardins de Cérès, la première de France, prend vie en 2003. C’est le début d’une réflexion autour du bio, de la vente en direct et du sens que cela donne à leur métier. En 2008, ils investissent dans un petit moulin pour produire de la farine pour l’Amap. En 2009, 21 ha sont convertis au bio. « Nous avons passé toutes les terres au bio par étapes jusqu’en 2017 », précise Emmanuel, qui a vu le temps de travail augmenter en flèche. Pour faire des économies d’échelle sur le matériel (épandeur à fumier, remorque) et s’entraider sur les chantiers de semis et de récolte, le couple travaille avec deux agriculteurs voisins.
Du blé au pain
L’activité farine étant lancée, Cristiana et Emmanuel se projettent sur la fabrication du pain. « L’idée de départ était de fournir l’Amap une fois par mois, souffle Cristiana. Mais Emmanuel voit plus grand. » Ils investissent finalement près de 500 000 € dans un moulin, un four à bois, un laboratoire et une boutique dénommée « le Fournil ». Le succès est au rendez-vous via la vente au Fournil mais aussi des magasins Biocoop, Amap et épiceries solidaires. 70 tonnes de blé bio sont écrasées chaque année pour alimenter en farine les trois boulangers. Un vendeur et un livreur complètent l’équipe. « Ces dernières années, le chiffre d’affaires de la ferme dépasse les 850 000 € dont 500 000 € grâce au fournil, détaille Emmanuel. Au départ, nous avions investi dans une diversification. Aujourd’hui, c’est un atelier majeur. »
Depuis quelques années déjà, le couple se pose la question de la transmission. « Nos deux enfants ont choisi une autre voie et, avec une telle pression foncière, c’est bien ainsi », sourit Cristiana qui prendra sa retraite à la fin de 2025. Celle d’Emmanuel est prévue à la fin de 2028. Leur idée d’aider des jeunes à s’installer prend forme. Une productrice de fleurs coupées, un éleveur ovin et un maraîcher sont intéressés pour s’installer sur la vingtaine d’hectares appartenant à la commune de Villiers-le-Bâcle. Les baux de la partie céréalière (145 ha appartenant à Île-de-France Nature, 20 ha à Terre de liens et 33 ha en propre) et l’activité de meunerie, pourraient être cédés à un des jeunes agriculteurs avec lequel le couple travaille déjà. « Pour nous, cela a du sens », souligne le couple dont la transmission de leur outil à plusieurs jeunes compte beaucoup.
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